Entretien avec M. Pascal AKILADE, Expert en Sécurité sociale à la retraite.

Entretien réalisé par par Artémise M. AIKO

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Tournant décisif dans la vie de tout travailleur, la retraite est parfois redoutable voire carrément redoutée de certains. Et pour cause, la rétention sur le salaire ou les avantages dont on bénéficiait. Pourtant, une bonne préparation pourrait faire d’elle, un moment plus que jamais de plaisir et de prospérité. En la matière, votre magazine a déniché un modèle en la personne de Pascal AKILADE, expert en Sécurité sociale et cadre supérieur de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) à la retraite. Hormis d’être un cadre de la CNSS jusqu’en 2001, il a été aussi Inspecteur régional à la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES) jusqu’en 2010 avant de faire valoir ses droits à la retraite en 2012. Il aborde l’état de la prévoyance sociale et des assurances au Bénin.

SAPR: Monsieur Pascal AKILADE, comment appréhendez-vous la retraite ?

P. AKILADE : La retraite c’est le fait de se retirer ou l’état de quelqu’un qui a cessé d’exercer son activité rémunératrice de revenus. En fait c’est une période de la vie où les agents économiques se retirent de la vie active, de leur activité professionnelle pour jouir des fruits de l’épargne qu’ils se sont constituée ou des cotisations qu’ils ont versées. Elle concerne tous les agents économiques qui ne se sentent plus capables de gagner leur vie par le travail. A voir de près, les termes EPARGNE et COTISATION résultent tous deux d’un même mécanisme, c’est-à-dire un prélèvement sur le revenu actuel pour une utilisation ultérieure et correspondant aux différentes sortes d’agents économiques que l’on rencontre dans la vie active.

Les agents économiques, notamment ceux du secteur informel qui ne sont pas souvent couverts par les dispositions des organismes de prévoyance sociale, constituent volontairement des épargnes pour leurs vieux jours alors que ceux qui sont couverts cotisent obligatoirement auprès desdits organismes. Or la constitution volontaire d’une épargne, suppose que le revenu est assez suffisant pour qu’on en diffère une partie sur l’avenir. Comme d’une façon générale les pays sous-développés sont caractérisés par une faiblesse des revenus dans tous les domaines d’activité, cette épargne volontaire est presque inexistante ; ce qui explique la misère dans laquelle végètent les personnes du 3ème âge. Quant aux agents économiques travaillant dans les secteurs structurés comme les administrations et les entreprises, ils sont soumis à des prélèvements obligatoires appelés cotisations sur leurs salaires même s’ils sont insuffisants. Ces cotisations sont gérées et leur sont versées plus tard sous forme de prestations appelées PENSION DE RETRAITE au terme de leur vie active.

SAPR : Qui parle de retraite parle d’épargne donc. Quelles sont les possibilités qui existent et qui permettraient aux travailleurs en fonction d’assurer leur arrière en termes de finance ?

P. AKILADE : A priori, la loi interdit le cumul d’une activité lucrative en parallèle avec l’activité professionnelle. Cependant il existe des activités marginales auxquelles un travailleur peut s’adonner sans qu’il y ait la moindre répercussion sur son activité salariée. Ces activités sont exercées par personnes interposées et ne nécessitent que la supervision du souscripteur.

SAPR : Comment peut-on préparer la retraite selon vous ?

P. AKILADE : Le refus de jouir de son droit à la retraite peut résulter d’une mauvaise planification de sa retraite. Mais lorsque l’on sait que pour les deux régimes de sécurité sociale, celui des fonctionnaires comme celui des salariés, la date d’admissibilité à pension tout comme le niveau des prestations est prédéterminée, il importe de trouver des ressources complémentaires pour s’offrir le niveau de vie que l’on désire pendant la retraite. C’est ce qui justifie les offres de produits des compagnies privées d’assurance.

Dans ces conditions les négociations devant présider à la signature du contrat d’assurance complémentaire doivent être centrées autour des cinq facteurs ci-après : l’âge auquel le souscripteur souhaiterait bénéficier de sa retraite complémentaire ; les sources de revenus qui serviraient de base de prélèvement de la prime ; la définition des montants des prestations nécessaires au maintien du niveau de vie escompté ; la comparaison du revenu prévisible des revenus estimés et le choix du style d’investissement.

L’âge entre en ligne de compte dans la prévision de la durée de cotisation, un des facteurs déterminant le montant des prestations. Au niveau du souscripteur l’âge défini permet de le savoir. En d’autres termes, la préparation de la retraite par les individus à faible revenu dans un pays sous-développé relève d’une gageure. En l’absence de dispositifs adéquats pouvant assurer un revenu de remplacement suffisant au retraité seule la misère et la déchéance sociale seront le lot des vieux travailleurs comme nous l’observons aujourd’hui sous nos cieux.

SAPR : Toute personne qui travaille doit-elle forcément aller à la retraite ?

P. AKILADE : En principe, le droit à la retraite fait partie du droit à la sécurité sociale qui fait partie intégrante des droits de l’Homme (article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme) qui stipule que : « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays ». C’est en effet dans ce sens que l’Organisation internationale du travail (OIT) a édité la Convention n°102 qui fixe la norme minimum en matière de sécurité sociale et la gamme des prestations que tout Etat doit s’organiser à accorder aux membres de sa société.

Ces prestations sont les suivantes : les soins médicaux ; les indemnités de maladie ; les prestations de vieillesse ; les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles ; les prestations de maternité ; les prestations aux familles ; les prestations d’invalidité ; les prestations de survivants ; les prestations de chômage. Ces neuf prestations sont organisées en trois branches principales que sont : la branche des Prestations familiales qui englobe les prestations de maternité et de famille ; la branche des Accidents du travail et des maladies professionnelles et la branche Vieillesse, invalidité et survivants (ou décès).

Comme on peut le constater, le Bénin, à l’instar de la plupart des pays sous-développés, n’a pas encore institué au plan national les soins médicaux et les indemnités de maladies qui relèvent de l’assurance maladie ; il en est de même des prestations de chômage. Dans un pays du nord que j’ai eu la chance de visiter, en dehors de l’octroi des prestations minimales définies par la Convention n°102, le système de sécurité sociale de ce pays garantit, bien entendu sous condition de contribution, des prestations pour les vacances.

Si je dois revenir à la question posée, la réponse dépend encore une fois de la responsabilité de l’Etat dans la définition et la mise en œuvre effective des composantes de sa politique de protection sociale. En effet, dans notre esquisse de réponse à la définition du mot retraite, nous avions essayé de montrer que la jouissance d’une retraite n’est pas l’apanage de certaines catégories socioprofessionnelles privilégiées, mais constitue un droit auquel l’Etat doit satisfaire compte tenu du niveau d’organisation et de ses ressources financières. Au Bénin, les trois piliers ou composantes d’une politique efficace de protection sociale existent. Le Ministère en charge de l’assistance et de la sécurité sociale assure les deux premiers piliers à travers les prestations d’assistance sociale et d’assurance sociale, tandis que les compagnies d’assurance privée assurent le troisième pilier en octroyant des prestations complémentaires de sécurité sociale. Mais en l’absence d’une vision clairement définie et formalisée dans un document de Politique nationale de Protection Sociale (PNPS), les contours d’une interdépendance entre ces différentes composantes ne sont pas clairs, ce qui ne leur permet pas de fonctionner en synergie.

Ces stratégies présentent des avantages certains en termes de degré de couverture sociale en ce sens qu’elles étendent la jouissance du droit à la protection sociale à des catégories socioprofessionnelles jusque-là ignorées par le système de protection sociale en cours. Les données statistiques estiment à peine à 10%, la frange de la population bénéficiant des prestations de protection sociale. En mettant en œuvre cette nouvelle politique, l’Etat se serait mis en conformité avec les dispositions des conventions internationales qu’il a lui- même signées et qui n’exigent qu’un minimum de prestations.

Dès lors, l’octroi d’un revenu de remplacement à la majorité des travailleurs réduirait de façon drastique le niveau général de pauvreté et contribuerait à l’augmentation du taux de croissance et ensuite au développement. Au moment où la CNSS organisait encore les paiements à domicile au profit des retraités grabataires, il n’était pas rare d’en trouver d’abord affamés et vivant dans des logements totalement délabrés, leurs corps exposés aux intempéries le long des différentes saisons, attendant impatiemment leur maigre pension.

SAPR: Certains salariés notamment les Fonctionnaires d’Etat ne s’empressent pas de vaquer à autre chose alors qu’ils sont admis à faire valoir leur droit à la retraite. Comment expliquez-vous ce comportement ?

P. AKILADE : Au Fonds National de Retraite du Bénin (FNRB) comme à la Caisse nationale de sécurité sociale, les critères à remplir pour être admis à la retraite sont déterminés par des lois dont les dispositions ne souffrent d’aucune ambiguïté. Les Agents permanents de l’Etat qui traînent encore les pieds dans les administrations publiques alors qu’ils devraient faire valoir leur droit à la retraite, bénéficient des complicités favorisées par leurs supérieurs hiérarchiques ou des dysfonctionnements du système de gestion de la carrière desdits agents. En mettant en place un bon système de contrôle administratif informatisé, ces dysfonctionnements peuvent être enrayés.

SAPR : Monsieur Pascal AKILADE, Merci à vous

P. AKILADE : C’est moi qui vous remercie pour l’opportunité

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